
Contrairement à la chanson de Henri Salvador, on veut pas « ne rien faire » pour garder la santé, on veut faire plein de choses, dans une société libérée du travail et du capital. Nous sommes loin d’être les seuls à en avoir plein le dos du travail et de son idéologie. Du berceau au caveau en passant par l’école, la réinsertion ou le bénévolat, on nous contraint à une vie de travail qui semble de plus en plus absurde. Nous ce qu’on veut c’est être des tire-au-flanc et détruire l’exploitation !
Nous vendons 8,10,12 heures de notre vie chaque jour, pendant des dizaines et des dizaines d’années pour un salaire dont nous avons besoin pour survivre… et retourner travailler. Parce qu’on a besoin d’argent pour payer nos loyers, se nourrir et se soigner, pour s’éloigner un peu des huissiers, des vigiles et des flics. Le fruit de notre travail ne nous appartient pas, il appartient aux patrons. Après nous avoir salarié pour produire des choses, ou fournir des services, ils nous revendent une petite partie, pour se refaire du profit au passage.
Durant la pandémie COVID, nous étions des dizaines de millions à sortir pour aller taffer à l’usine, à l’hôpital, dans la grande distribution ou en livraison car nous ne pouvions pas faire autrement. Dans les moments de crise, ce sont toujours les mêmes qui doivent continuer à fournir l’effort pour que les capitalistes s’enrichissent sur notre dos en nous maintenant au taf. Nous étions aussi des millions à rester chez nous, « pour le bien de tous ». Forcés au chômage technique, nous avons subi l’isolement et l’enfermement pendant le confinement avec parfois comme seule perspective de lien social, un retour au travail. Et encore, beaucoup se sont retrouvés en télé-travail, dans des conditions différentes, mais fallait continuer de faire tourner la machine à distance !
Aux Etats-Unis, on parle de 47 millions de personnes qui ont lâché leur boulot à la fin de la pandémie, le montrant sur les réseaux sociaux, tant ils étaient fiers de pouvoir se casser ! Les travailleurs filmaient leur démission à coup de gros fucks aux patrons et de piles de dossiers envoyées en pleine figure sous les sourires approbateurs de leurs collègues. Même si beaucoup ont été forcés de trouver un nouveau job, cela exprimait un ras-le-bol général de se soumettre à l’obligation de travailler dans des secteurs où les conditions se dégradaient de plus en plus pour des salaires de misère. Des prolos ont cessé le boulot et se sont tournés vers des tafs où les conditions étaient moins difficiles. C’est le choix du moins pire, du plus soutenable, ce n’est pas une rupture directe avec l’exploitation mais des choix individuels de survie, liés à nos conditions matérielles.
Qu’on travaille, que l’on soit au chômage ou au RSA, il n’y a pas de bonne situation sous le règne de la marchandise, la compétition y est toujours à l’oeuvre pour savoir qui est le plus productif. On constitue l’arrière garde, la réserve de travailleurs en attente d’être « réinsérés » par le travail dans cette merveilleuse société. Le but reste de nous faire retourner au turbin en nous forçant, par le flicage régulier, les convocations, les rendez-vous à gogo et autres chantages à la thune pour qu’on accepte n’importe quel taf de merde. Sous prétexte qu’il s’inscrit dans les secteurs en tension. Parce que les conditions y sont dégueulasses et que t’es payé au lance-pierre. Ils le savent très bien !
Si ça n’était pas assez clair, il suffit de voir les dernières réformes : augmentation du temps travaillé nécessaire pour toucher le chômage, diminution des indemnités grâce à de savants calculs ou encore renforcement des contrôles par France Travail. Cerise sur le gâteau, il va falloir travailler 15h par semaine pour toucher le RSA et va savoir où ils vont nous envoyer taffer gratos pour des entreprises qui débourseront pas un copec ! L’Etat nous mène par la carotte et le bâton pour nous faire bosser quoi qu’il arrive. Aucun doute qu’il est bien du côté des patrons. Ils ne sont en rien nos bienfaiteurs, ce sont ceux qui organisent méticuleusement notre exploitation, nous laissant croire qu’ils mettent en place des services publics comme la santé ou l’éducation pour notre bien. Il s’agit pour eux d’avoir une main d’oeuvre formée et en relative bonne santé, voilà tout.
Le constat est que nous sommes beaucoup à refuser le travail, les ordres et les logiques de production qui n’ont aucun sens pour nous. De nombreuses pratiques individuelles existent actuellement contre le travail que ce soit les sabotages, les arrêts maladie, le ralentissement des cadences, le vol sur le lieu de taf, le chômage, etc. Même si ces pratiques sont souvent isolées, nous pensons que les résistances au travail qui s’inscrivent dans la lutte quotidienne relèvent de formes de complicité prolétarienne et peuvent créer de la solidarité de classe. La somme de ces réflexes ne produit pas nécessairement des pratiques qui deviennent collectives, même s’ils peuvent y participer. Ils permettent au moins de dégager du temps, de capter des collègues avec qui partager notre dégoût du taf, de cracher sur le patron et s’organiser ensemble.
Ces pratiques ne nous suffisent pas. Nous aspirons à nous organiser collectivement loin des officines habituelles du travail que sont les syndicats, comités d’entreprise et autres nids à gratte papier. Leurs objectifs seront toujours de renforcer les divisions entre les travailleurs et de négocier notre défaite auprès des patrons. Nous affirmons que l’amélioration des conditions de travail ou l’augmentation de notre salaire ne peuvent être le seul horizon de nos luttes, il ne s’agit que d’un aménagement de notre peine pour mieux y retourner le lendemain. C’est pourquoi nous devons nous organiser pour prendre le temps que le travail nous vole, pour nous permettre de lutter et exprimer à voix haute les questions que l’on se pose tous : Qui sont nos ennemis ? Quels sont nos intérêts ? Comment renforcer ces pratiques qui posent la rupture et permettre leur extension ? Qu’est-ce qui nous empêche de vivre ?
Nous voulons casser les logiques de compétition et d’isolement que le travail impose en s’organisant ensemble dans l’entraide, en expropriant et en mettant en commun tout ce que le capital nous a extorqué. Non pas comme une proposition alternative ou une autogestion de notre propre exploitation mais comme une pratique de lutte collective qui vise l’abolition du travail. Cela passe par la diffusion régulière de ces positions là où le travail et son exploitation existent. En faisant vivre localement et partout dans le monde les moments d’auto-organisation des exploités qui posent la rupture avec les encadrements, qui s’attaquent au capital et à l’Etat, et permettre leur renforcement et leur extension.
Retrouvons nous dans les luttes, au local Loukanikos pour discuter et s’organiser avec tous les prols en lutte contre le travail, pour la transformation radicale de ce monde.
Sabotons la machine, construisons la rupture !
Anti France-travail vaincra
loukanikos_rennes@riseup.net
Square du 8 mai 1945 – Rennes
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